La nuit est l'amie des conspirateurs. [FB][Libre]

Sujet: La nuit est l'amie des conspirateurs. [FB][Libre]

QG du SIF.
4H.

La lune est absente ce soir, ses faibles rayons sont masqués derrière des nuages épais qui annoncent quelques flocons matinaux, le silence de l’hiver seulement perturbé par Tai assis en tailleur au milieu de la cour depuis quelques minutes déja, son souffle s'élevant doucement.

Il semblait qu’il fût sujet aux insomnies, pourtant, loin d’être fatigué, le jeune homme ne semblait jamais souffrir de son rythme de vie, et donnait à chaque instant l’impression d’être toujours attelé à sa formation. Une attitude proche du zèle, semblait-elle, pour beaucoup, agaçante, mais dont le jeune homme se soucie peu. On pouvait sentir la légère émanation de son Ren qu’il tentait de maintenir faiblement comme il leur était avisé de faire régulièrement pour l’entraîner, avec une rigueur millitaire qui faisait honneur à sa réputation de soldat de Zongka, malgré la valeur que cette reconnaissance pouvait bien avoir pour lui.

La glaciale froideur de l’hiver n’atténuant pas les ardeurs du jeune homme, bien au contraire, cela lui donnait l’isolement qu’il cherchait, loin du tumulte de la présente indiscrète d’inconnus.

Tai n’avait pas pour but premier d’entraîner son Nen en réalité, il maintenant à peine son Ren pour donner l’illusion d’être assidu à la tâche, il n’essayait pas de le maintenir au maximum de ses possibilités, mais plutôt de manière attenuée comme une stratégie pour tenir sur la durée. De la même manière, le camp de rééducation lui avait appris à avoir un sommeil partitionné, très utile pour ses projets. Il prenait ainsi bien soin de faire une sieste après l’entraînement matinal, juste avant de manger, et le soir avant le dîner. De la sorte, en se couchant assez tôt, il parvenait à son content de sommeil quelques heures plus tard. À cause du secret, ces réveils étaient toujours d’incroyables moments de tensions, Tai Ma guettant le moindre mouvement dans l’ombre, sa tension étant plus grande encore sachant qu’il se privait d’un sens lors de ses expéditions nocturnes.

Pourtant, le risque en valait la chandelle. Le silence de l’hiver n’était brisé par rien, si ce n’est un léger grésillement qui s’élève du jeune lorsque l’on est à quelques centimètres de lui.

Spoiler:

Les paroles étaient chantées avec l’ancien dialecte de cour de Zongka, plus complexe, mais plus mélodieux, il disparaissait progressivement avec le régime qui lui préférait sa version populaire, pourtant, quelque part dans le monde, quelqu’un avait décidé de chanter avec cette langue qu’il n’avait pas entendue depuis des années. La chanson n’était pas interdite par le régime, mais il avait été éloigné très longtemps de ce genre de divertissement, et la découvrait avec internet.

Les paroles étaient un appel à la révolte contre l’Ancienne Monarchie, lorsque les fermiers n’espéraient encore du poulet et des ulcères et de leur dur travail de ferme. Le chanteur proposait d’aller braquer les propriétaires pour leur prendre leur dû. Pourtant, le message semblait intemporel malgré les références qui y étaient glissées. Comme un souffle intrépide, ces quelques notes éveillait chez Tai un espoir de lendemain meilleurs et de fin des tourments.

Tout ce secret pour une chose aussi frivole. Mais passer pour quelqu’un de dilettante aurait été impensable pour lui. Pourtant, maintenant qu’il était loin de Zongka, braver l’interdit lui était une idée moins impensable. Avec quelques efforts de sa part, le jeune recouvrait une chose qui lui avait été ôté depuis des années, à savoir l’intimité et le plaisir de cultiver un jardin secret. Il repensait à ses anciens camarades, ce qu’ils étaient devenus, ce qu’ils avaient éprouvé en sortant hors du camp.

En jetant un oeil à son walkman, il comptait sur encore une demi-heure de tranquilité.

Sujet: Re: La nuit est l'amie des conspirateurs. [FB][Libre]

Le temps semblait filer à une vitesse folle depuis quelques jours, le quartier général de la SIF l'avait convoqué pour une histoire de transfert de dossiers classés à informatiser répartis dans plusieurs agences dans le monde pour plus de réactivité, notamment pour avoir un accès plus facile aux profils des mafieux et criminels ainsi qu'une vue d'ensemble sur leurs activités passées dans de brefs délais.
Loin d'être volontaire pour s'éloigner de ses amis à plumes, il n'avait cependant pas pu dire non lorsque son supérieur l'avait désigné à la tâche, le complimentant au passage sur sa récente promotion. Image sociétale impeccable dûment payée.

En frais d'entreprise, il avait pris un billet d'avion tôt le matin et un retour pour le lendemain ; la tâche était simple, il lui suffisait de s'occuper des volatiles avant de partir, se hâter de récupérer les documents, passer dire bonjour à un maximum de gens pour se faire connaître et repartir aussitôt dormir pour le train du lendemain matin.
Ses parents pouvaient tenir l'affaire à Bleike City sans soucis, il le savait, mais il ne supportait pas l'idée de devoir se reposer sur eux s'il en avait le choix.

L'hôtel avait été réservé mais il n'y dormirait pas ce soir, le soleil n'allait pas tarder à se lever et s'il avait su qu'il resterait sur place aussi longtemps, il aurait refusé l'invitation de ses nouvelles connaissances de travail.

La vérité, c'était un bizutage en règle de la part des pédants de la ville envers le petit jeune de la campagne qui vient innocemment faire du zèle auprès de ceux qu'il représente un peu plus loin. Les joyeux lurons lui avaient proposé de visiter les locaux, le voisinage, le personnel, les différents services, le tout avec de l'alcool pas très fort mais en quantité assez significative pour qu'il soit pompette, même en cherchant à limiter sa consommation.
De base, il ne consommait pas beaucoup d'alcool, une canette après le travail ou quelques verres avec les collègues, jamais de quoi ramper son la table et lécher le bitume.

Sa stratégie s'était résumée à boire de très petites gorgées, voire faire semblant, pour évité d'être instantanément muni d'une nouvelle canette, bien qu'il faille régulièrement la vider entièrement pour éviter que la supercherie ne soit détectée.
Le jeu du chat et de la souris semblait interminable, chacun faisait tourner l'autre en bourrique à sa manière, espérant que la situation se dénoue de façon relativement arrangeante.
Il était quatre heure du matin, il avait passé les trois dernières heures à rire poliment à des blagues de mauvais goût sur des chants paillards, la tête commençant à tourner méchamment tandis qu'on enveloppait les cartons de dossiers qu'il devait ramener à Bleike City dans du papier toilettes.
La bienséance et la politesse étaient deux denrées nécessaire pour vivre en société. Passant pour le gentil petit agneau, il regardait ses aînés faire sans intervenir, serrant les dents en attendant que son calvaire finisse.

Ses "camarades" s'étaient endormis, lui avait feint. Sûrement était-ce leur cas aussi pour observer ses agissements sans se faire voir. Il n'avait rien à cacher. Superposant les trois cartons après avoir ôté et jeté leur emballage de fortune dans les toilettes de l'étage, il choisit de les reposer en attendant l'ascenseur, puis l'attente, puis devant la lourde porte du bâtiment qu'il ne préférait pas ouvrir avec le pied.

Étonnamment, personne ne verrouillait les lieux, ou peut-être ceux censés le faire cuvaient au dix-septième étage, nul ne le saurait. Le froid mordant lui rappela que la journée avait commencé très tôt et qu'elle était loin d'être finie.
L'alcool et l'effort ne suffisaient pas à le réchauffer complètement et il avait l'impression que ses muscles se rigidifiaient sous son trench-coat, le faisant rouler des épaules pour tenter de les détendre. Erreur d'homme ivre à quatre heures du matin : il avait oublié que le mouvement déstabiliserait autant le carton le plus en hauteur qui passa par dessus sa tête pour aller s'écraser derrière lui.

C'était du moins ce qui aurait du se passer s'il n'avait pas soudainement paniqué en sentant le colis glisser, tentant de le récupérer d'un bras, lâchant du coup les deux autres qu'il tenta d'amortir du pied droit avant de se retrouver au sol, un colis à moitié sur un bras levé, un près de sa hanche, bien collé, et le dernier près de ses jambes. Il avait mal, mais était trop fatigué pour l'exprimer avec force.

"Ça fait mal..."

Encore une attitude d'homme ivre à quatre heures du matin : dire ce qu'il se passe sans vraiment le vivre, comme un spectateur de sa propre vie.
Il n'avait même pas pensé à demander au gars assis plus loin de l'aider. L'air frais faisait du bien.